Outre-mer : Internet doit mourir 1/3
Etat des lieux
Le développement d’une économie numérique et le désenclavement numérique des territoires représentent des enjeux encore plus forts outre-mer qu’en métropole. Dans des territoires éloignés, aux géographies complexes, les technologies de l’information et de la communication jouent un rôle crucial car elles permettent, dans un certaine mesure, de dépasser les contraintes induites par l’éloignement géographique. Elles peuvent donc constituer une opportunité, pour ces territoires, d’y développer une économie locale forte, insérée dans l’économie mondiale, en permettant à leurs habitants de bénéficier d’outils de communication essentiels. Encore faut-il que ces outils soient accessibles dans de bonnes conditions.
Rapport au Parlement et au Gouvernement relatif au secteur des communications électroniques outre-mer, Les rapports de l’ARCEP, Janvier 2010, p. 7
Rien de nouveau sous le soleil, en conclusion de mon dossier Insularité et isolement – Economie des petites îles : le cas des Antilles françaises, j’évoquai déjà la nécessité du développement de réseaux de télécommunications performants afin de palier la rupture géographique qu’imposait l’éloignement.
Le rapport cité en introduction de cet article, a été réalisé par l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) à la demande du Gouvernement et du Parlement au cours du premier semestre 2009, suite aux évènements qui ont eu lieu en Guadeloupe, en Martinique et un peu partout dans l’Outremer en février de la même année. Il analyse méthodiquement et avec rigueur la situation du secteur des communications électroniques dans les DOM et propose des mesures susceptibles d’améliorer et d’accélérer l’accès aux services dans ces collectivités.
Je n’ai eu connaissance de ce rapport qu’assez récemment et je l’aurai intégrer en référence à mon analyse de 2010 sans aucune hésitation tant les données qu’il apporte ainsi que les conclusions et recommandations proposées sont pertinentes à mon sens.
En bref, que dit ce rapport ?
Tout d’abord, avec les données recueillies en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte en 2009, il fait une distinction entre d’une part le marché de la téléphonie fixe et mobile et, d’autre part, le marché du haut débit fixe.
Pourquoi ?
Tout simplement parce l’ARCEP estime que les marchés de la téléphonie fixe et mobile « font globalement jeu égal avec celui de la métropole ». Ces marché connaissent, effectivement, des taux de pénétration supérieurs à celui de la métropole et des tarifs très attractifs, globalement inférieurs à ceux pratiqués en métropole, en tout cas en 2009.
En revanche, il est observé un moindre développement des marchés du haut débit fixe. Ces marchés se caractérisent, je cite, « par des offres significativement plus chères qu’en métropole, pour un niveau de service moindre ».
On ne peut plus clair…
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le problème de la téléphonie mobile outre-mer est-il réel ?
La conclusion de l’ARCEP concernant les marchés de la téléphonie fixe et mobile pourrait en étonner plus d’un, notamment suite aux différentes communications faites par l’actuel Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, Claudy Siar, qui interpellait les opérateurs de téléphonie mobile, il y a de cela quelques mois, sur leur politique tarifaire qui assimile, selon lui, les départements d’outre-mer à des pays étrangers.
La réflexion menée par Claudy Siar, ne peut concerner que les communications « métropole vers outre-mer », puisque, je le rappelle, les tarifs des forfaits en outre-mer étaient proches de ceux pratiqués en métropole. Et comme vous le savez certainement, les communications « outre-mer vers métropole » sont bien souvent décomptés des forfaits au prix d’un tarif local.
On pourrait, tout de même, se demander si la possibilité de pouvoir téléphoner de son téléphone mobile vers une ligne outre-mer mobile est réellement une nécessité première, alors qu’il suffirait de passer cet appel de fixe à fixe gratuitement depuis la plupart des offres box aujourd’hui en métropole. Mais, nous allons rester attachés aux disparités tarifaires métropole/outre-mer qui effectivement peuvent être mise en opposition au principe de continuité territoriale.
Bien évidemment, l’arrivée de l’opérateur Free a complètement changé la donne. La baise brutale des tarifs imposée par ce nouvel entrant, que certains opérateurs en métropole n’arrivent pas à suivre jusqu’à maintenant, va de faite entraîner une restructuration du marché métropolitain. On ne peut donc pas s’attendre à ce que de tels changements soient impactés aussi rapidement sur les marchés outre-mer pour lesquels la demande est beaucoup plus fragile. Cependant, on peut s’attendre à des baisses significatives dans les mois ou les années à venir, suite à de récentes évolutions sur ces marchés.
Même si certains souhaitaient profiter du buzz et surfer sur la vague Free mobile, la réunion interministérielle du 10 février 2012, qui s’est tenue à Paris suite à l’appel de M. Siar et aux voeux à l’outre-mer de Nicolas Sarkozy, a fait un flop. Il a été constaté en premier lieu que « grâce à une régulation avisée, les tarifs des communications mobiles dans les DOM sont à un niveau comparable aux tarifs pratiqués en métropole », et en deuxième lieu que « les communications depuis les DOM vers la métropole ne donnent plus lieu à des surfacturations et sont généralement incluses dans les forfaits ». Le seul point sur lequel il a été décidé de travailler concerne les tarifs du roaming qui n’est pas qu’une question spécifique à l’outre-mer.
Ce constat n’est d’ailleurs pas étonnant si l’on se réfère aux propositions et recommandations effectuées en 2010 par l’ARCEP. Pour la téléphonie fixe et mobile, compter à peine plus d’une page portant sur le maintien des mesures déjà existantes et le développement du haut et très haut débit mobile. Pour le haut débit fixe, vous en avez pour près de neuf pages !
Alors cherchez l’erreur, pourquoi n’en parle-t-on pas aujourd’hui ?
[…] À propos « Outre-mer : Internet doit mourir 1/3 […]
[…] <<< 1ère partie : Etats des lieux […]
Concernant la téléphonie mobile, il y a mon sens un point qui n’a pas été soulevé dans cet article. Si l’action de Claudy Siar portait sur les frais de terminaison d’appel de et vers l’outre-mer et ce depuis et vers l’hexagone il ne faut pas non plus oublier les frais de roaming. Ainsi, si l’on tend vers un un lissage de l’offre sur les territoires il n’en va pas de même en cas de déplacement de l’abonné dans le sens hexagone->OM et vice-versa. Ainsi, est il logique que l’abonné hexagonal qui se rende en Corse (qui de part sa situation géographique est outre-mer) paye le même tarif que s’il était sur le « continent » alors qu’il est surtaxé s’il se déplace dans l’une des RUP ? Cet élément sur la continuité territoriale a également été soulevé par le Délégué sans qu’il ne puisse y apporter une réponse favorable durant son mandat. Espérons qu’une solution puisse à terme émerger évitant définitivement de devoir jongler entre plusieurs téléphones/lignes au risque de revenir de vacances avec un arrière-goût amer qui ne dit pas son nom. 😉
Bonjour Marc.
merci pour ton commentaire !
Effectivement, le point sur le roaming est justement le point (et le seul) qui a été retenu lors de la réunion interministérielle du 10 février 2012 dont je parle dans ce billet. Et pour moi, c’est effectivement là que le bât blesse réellement au niveau téléphonie.
Il y a certainement des raccourcis dans ce que j’écris mais l’idée était de démontrer qu’à mon sens on ne donne pas suffisamment de visibilité aux difficultés d’accès et de qualité du réseau Internet en Outre-mer, alors de là à parler de solutions, je crains qu’il ne faille encore attendre longtemps…
J’aurai aimé avoir des nouvelles du projet Martinique Numérique initié par Alfred Marie-Jeannne. Pas de news sur le site officiel depuis plus de deux ans maintenant, ça craint… En aurais-tu de ton côté ?